Dans le cadre de ma préparation pour le Bikingman AURA en juillet prochain (du 20 au 25), j’ai décidé de m’inscrire à un BRM 600, le Tour de la Manche.
Déjà, qu’est-ce qu’un BRM ?
Un BRM est un Brevet Randonné Mondiaux, c’est une randonnée non compétitive à faire en un certain temps : ici, 600km en moins de 40h. Il existe des formats 200km, 300km, 400km, 600km et 1000km (par exemple, le très connu Paris-Brest-Paris).
Pourquoi le Tour de la Manche ?
Plusieurs raisons : déjà, je suis originaire de là-bas, je connais donc bien le coin et les routes, et puis, quand j’ai commencé à faire de longues distances à vélo, je m’étais dit : « hmm, ça serait cool de faire le tour de la Manche, ça peut être grave stylé » mais j’ignorais complètement qu’il y avait une randonnée à organiser.
Octobre 2024 : je m’inscris à la randonnée. Deux options s’offrent à moi : soit je le termine en moins de 40h, soit je peux le finir le dimanche tranquille, ce qui signifie le faire en trois jours. J’aime le challenge, donc je prends l’option « moins de 40h ». 35€ payé et c’est parti !
Avril 2025, un mois avant : je traverse la Suisse à vélo de chez moi (Thonon-les-Bains au bord du lac Léman) jusqu’à Brégence en Autriche (au bord du lac de Constance). Un peu plus de 400km – 3500d+ en partant en fin de journée vers 16h pour m’entraîner à rouler toute la nuit et la journée du lendemain, tester un peu mon matériel et la nutrition. Une belle aventure solo avec des paysages magnifiques. Je n’avais jamais fait plus de 310km auparavant, donc forcément un nouveau cap mentale et physique de validé.

Quelques jours avant de prendre le départ de ce BRM, j’ai reçu ma plaque de cadre et le petit carnet avec tout le descriptif du parcours. Pour ceux qui ne savent pas comment fonctionne un BRM, vous avez plusieurs points de contrôle et plusieurs manière de pointer, de valider les points de contrôle : soit vous enregistrez la trace, soit vous prenez des photos, soit vous répondez à des petites questions dans le petit carnet. Vous pouvez basculer d’un mode de pointage à un autre en cas de difficulté.

Le départ a lieu le vendredi 9 mai à 6h à Montebourg, dans le haut du département de la Manche (plus connu sous le nom du Cotentin).
A quelques jours du départ, je prépare mes affaires dans un coin pour ne rien oublier : affaires pour la nuit, éclairage, nutrition, batterie externe, câbles, bivy, crème anti-frottement, kit de réparation, chambres à air. Bref, je ne veux rien oublier d’important.
J’ai trop hâte de prendre le départ, je sais que la météo va être bonne. Je sais aussi qu’il risque d’y avoir du vent : plus de la moitié du parcours longe la mer… mais peu importe, je ferai ce que je peux avec les moyens du bord sur l’instant T.
J’ai également essayé de préparer une « stratégie », de savoir à peu près à quel moment, je m’achète une dernière fois de la nourriture avant la nuit, de savoir où je vais potentiellement dormir durant la nuit. Evidemment, je dois aussi laisser une place à l’imprévu, je peux tout aussi bien ne pas être dans les temps ou bien être plus en avance que prévu, mais dans tous les cas, ça me rassure de partir avec un plan prévu qui va s’adapter au moment voulu.

Le jeudi 8 mai, la veille, je nettoie et prépare mon vélo pour qu’il soit tout propre et prêt pour le lendemain. Puis, l’après-midi, j’essaie de faire une sieste ou du moins de me reposer au maximum car le réveil se fera tôt.
Vendredi 9 mai, réveil 3h40 : je n’ai pas trop de mal à me lever. Je suis excitée, j’ai trop hâte. J’aime tellement rouler, je sais que ça va être trop cool, que je vais pouvoir (re)découvrir mon département. Je me prépare, je m’habille, je mange un petit peu : j’ai toujours beaucoup de mal à m’alimenter le matin tôt mais je me force. J’emmène à manger pour le trajet en voiture avant le départ du BRM si jamais j’ai faim. Nous voilà donc partis, ma maman et moi, à 4h20 direction Montebourg.
Lorsqu’on arrive à 5h30 au stade de Montebourg, la nuit est encore présente. D’autres participants sont déjà présents. Je sors mon vélo de la voiture, j’y accroche les dernières petites choses, j’enfile mes chaussures de vélo, je vérifie de n’avoir rien oublier. Je file m’enregistrer, je file aux toilettes avant le départ. Malheureusement, un seul toilette pour tous les participants. J’y perds un peu de temps, j’y ressors 2min avant le départ. Je récupère vite fait un bout de brioche, bisous à ma maman et je pars.
6h, c’est parti. Je croise vite fait une autre nana. Elles se font tellement rare. Je me sens moins seule parmi tous ces hommes. Il ne fait pas très chaud. Il y a un peu de vent. Sur les premiers kilomètres, j’essaie de suivre des petits groupes. Je croise même un couple en tandem ! Truc de dingue ! On se croisera plusieurs fois sur le début du parcours. Très vite, on se retrouve à longer la mer. Je connais beaucoup moins le haut du département. C’est agréable de rouler le long des côtes malgré le vent. Même si je suis plus montagnes que mer, c’est quand même trop beau : l’île Tatihou en vue, je continue mon chemin vers le premier pointage, le Phare de Gatteville, 35e kilomètre. C’est un petit aller-retour pour y aller, faire une photo et croiser d’autres participants. On s’esquisse des sourires et des petits coucous en signe d’encouragement. Je sens que je vais bien apprécier l’ambiance. Je suis plutôt d’une nature compétitive mais rien que de me dire que ce n’est pas une course, qu’il n’y a pas de classement, ça enlève tout de même une certaine pression que je peux me mettre habituellement. CP1 validé, maintenant direction Cherbourg puis le prochain pointage de l’autre côté du Cotentin.
Les premières petites côtes font leur apparition. Ça réchauffe un petit peu le corps, car les nuages présents et le vent donnent un ressenti peu agréable. Je commence à me demander si je ne vais pas mettre mes sur-chaussures car je lutte pour que mes pieds ne refroidissent pas. Je croise les doigts pour que le soleil pointe le bout de son nez rapidement. C’était quand même ce qui était prévu.

Dès que c’est plat, hop, je me mets sur les prolongateurs pour avancer plus vite et éviter le plus possible le vent. À l’entrée de Cherbourg, je retrouve un petit groupe de quatre personnes, dont deux nanas. Je discute surtout avec l’une d’entre elles : Elodie. C’est également son premier 600km. On échange, on discute. Ça fait tellement plaisir de parler avec une autre femme, de discuter vélo, aventures, dans un univers malheureusement encore beaucoup trop masculin. Je quitte le petit groupe en sortant de Cherbourg : eux cherchent une boulangerie, de mon côté, j’ai pour l’instant assez de nourriture sur moi pour ne pas nécessairement m’arrêter acheter de la nourriture.
Après Cherbourg, l’objectif en vue est le nez de Jobourg, le prochain pointage. Là, je sais qu’on va enchaîner pas mal de petites côtes. Alors, oui, je sais ce sont bien loin d’être des cols de montagne mais ne pas sous-estimer la Hague (le côté ouest du nord Cotentin). Il y a tout de même des petites côtes avec des passages raides (10-12%) sans compter le vent de face qui vient s’ajouter, plus le fait que je suis un peu chargée, et bien, c’était dur. Mais, comme à mon habitude, coup de pédale après coup de pédale, je grimpe. Les paysages sont magnifiques et en plus, le soleil fait enfin son apparition.
J’arrive au Nez de Jobourg, c’est toujours aussi beau. Nous sommes au kilomètres 106 et tout va bien. C’est justement le petit message que j’écris à ma maman à ce moment-là. Je prends 2-3 photos. Je remange un petit peu. Il y a beaucoup de vent donc je ne traîne pas longtemps et je repars. Objectif, le prochain pointage aux cabanes de Gouville-sur-Mer.

Le vent est toujours là. Je prends mon mal en patience parce que c’est quelque chose qui m’agace très facilement. Mais si je commence déjà à m’énerver, mentalement, je vais vite craquer. Je garde patience et j’avance comme je peux.
On descend vers Vauville, petit village très mignon et la vue sur la mer est également magnifique. C’est l’un des plus beaux bourgs de la Hague. Juste après, on monte légèrement, ce qui nous offre un super point de vue sur la réserve nationale de la mare de Vauville. C’est vraiment trop beau. Je suis tellement contente d’être là. Tout se passe bien. Je commence à enlever mes gants. Ça y est, le soleil est bien là. La route continue vers Diélette et Flamanville. Diélette est un petit village très mignon que je ne connaissais pas et c’est une belle petite découverte. Je connaissais juste de nom car c’est aussi à partir d’ici qu’on peut prendre un bateau pour aller sur les îles anglo-normandes (Guernesey, Jersey,…). Puis, on longe la Centrale Nucléaire de Flamanville. La vue est tout de suite mon sympa, avant de remonter dans le bourg, puis de traverser le château de Flamanville. J’en profite pour faire un tour aux toilettes, car il y a des toilettes propres, et de remplir mes gourdes. Je prends le temps de manger en même temps et d’enlever également ma veste manches longues sous mon coupe-vent, car je commence à avoir trop chaud. Je discute aussi avec un gars (il s’appelle Sébastien) avec qui on se double chacun notre tour. On s’encourage. C’est ça qui est vraiment cool je trouve, c’est que, je ne connais personne, je fais ça toute seule (ce qui semble très courageux pour certains) et ça t’oblige à aller discuter avec d’autres, sans filtres, car on est tous dans le même bateau. Pour beaucoup, c’est le premier 600km aussi. Il repart. Moi, je finis de ranger mes affaires dans ma sacoche, puis je repars tranquillement.
On continue de longer la mer. C’est trop beau. Je continue de découvrir une partie de la côte que je ne connais pas. C’est aussi ça que j’aime dans le vélo : la possibilité de découvrir des endroits juste à la force de mes jambes. C’est fou.
Nous rejoignons Carteret. C’est la fin de la première partie difficile. On est déjà au kilomètre 172. Honnêtement, je ne vois pas trop le temps passer. Je ne regarde pas mon GPS. Enfin si, juste le mode navigation, mais je me moque de savoir la vitesse et le nombre de kilomètres que j’ai déjà parcouru. Tout ce que je veux, c’est avancer. Je sais me repérer géographiquement et savoir où j’en suis. Carteret est l’une des premières stations balnéaires de Normandie. Je découvre cette magnifique petite ville. Il y a toujours beaucoup de vent. Je prends toujours mon mal en patience. De toute façon, je n’ai pas le choix.
À Portbail, quelques kilomètres après, je m’arrête et je fais un petit message à ma cousine : elle a l’intention de venir me voir à Coutances, donc je lui confirme à peu près l’horaire. Ça fait plaisir et ça garde ma motivation pour ne pax traîner et perdre trop de temps inutile.
Maintenant que les routes sont principalement plates, je me mets le plus possible sur les prolongateurs pour souffrir le moins possible du vent. On passe par des petites routes en quittant légèrement le long de la mer. Les routes sont franchement pas très lisses, j’ai pas l’impression d’avancer mais, une fois de plus, je prends mon mal en patience, un coup de pédale après l’autre. Je garde en tête l’objectif de rallier Coutances pour 18h.
J’arrive à Lessay. Je quitte enfin les petites routes de campagne. Je ne suis plus très loin de Gouville-sur-mer. Je me rends compte que j’avance quand même bien et que je me sens bien alors que j’approche déjà les 200km. Petit arrêt à Créances, je mange et j’appelle également ma grand-mère car c’est son anniversaire ce jour-là. Je m’éternise pas trop et je repars. Là, je connais bien les routes. Je les ai déjà faites à vélo. Posée sur les prolongateurs, j’avance sans trop réfléchir. J’arrive enfin aux cabanes de Gouville. Arrêt d’une minute, je prends quelques photos et c’est reparti, direction Coutances. Troisième pointage validé.
Il est 17h, je suis très bien dans mes temps. Le vent est toujours présent. J’ai l’impression de faire du surplace. C’est atroce. Pourtant, on rentre un peu plus dans les terres, mais rien n’y fait. Je sais que je ne suis plus très loin de Coutances, donc une fois de plus, je prends mon mal en patience et j’avance. Autrement, tout va bien, je me sens bien, les jambes vont bien, je n’ai pas mal aux fesses, je ne me sens pas spécialement fatigué. Bref, tout est bon pour la suite du périple et ça, c’est vraiment cool.
Il est 17h50 et j’arrive à Coutances, synchronisée avec ma cousine qui arrive pile en même temps que moi. Je lui avais donné RDV devant un Carrefour City pour que je puisse m’acheter à manger. Bon, une fois dans le Carrefour, j’ai du mal à choisir ce que je vais prendre, pas parce que j’ai envie de plein de choses mais justement parce que rien ne me fait spécialement envie. J’ai eu le même soucis lors de ma traversée de la Suisse et j’étais ressortie sans rien du magasin, mais là, c’était hors de question que je ne sorte sans rien car je ne suis pas encore tout à fait à la moitié du parcours. Je ressors donc avec deux boites de taboulé (une que je vais manger de suite, et une pour la nuit), ainsi qu’une bouteille de 50cl d’Orangina et une autre de Coca. Ma cousine et moi, on se pose devant la cathédrale de Coutances pour discuter et pour que je puisse manger tranquillement. L’avantage du taboulé, c’est que je suis obligée de tout manger car je ne peux pas vraiment refermer la boite. Le risque, c’est que j’en mette partout dans ma sacoche et j’ai clairement pas envie de ça, ce qui m’oblige ainsi de tout manger.
Une bonne pause d’une demi-heure. Ça fait du bien physiquement et mentalement, et moralement, ça fait du bine de voir quelqu’un que tu connais. La suite du parcours, je le connais très bien. Direction Granville pour le quatrième pointage, précisément à la pointe du Roc.

Il est 18h20 quand je repars. Je quitte Coutances. Le vent s’est enfin calmé. Je me sens bien, je sais que ça va pas mal descendre jusqu’à Granville. Dès que je peux, je me mets sur les prolongateurs. Ça me permet de changer de position, de relâcher un peu mes mains, mes épaules, mes cervicales, mon cou et d’avancer un petit peu plus vite par la même occasion sans faire d’efforts supplémentaires.
Je décroise quelques autres participants, mais ça commence à se faire rare. On échange brièvement. De leur côté, ça tire dans les jambes et mal de fesses. J’avoue que, de mon côté, je n’ai rien de tout ça. Je me dis que mes séances de 5-6h sur le home traîner cet hiver ont été bénéfiques, autant physiquement que mentalement, même si on a pu me prendre pour une folle à cette période.
Il est à peine 20h lorsque j’arrive à Granville et à la pointe du Roc. Petite photo et pointage validé, kilomètre 280. Ça passe tellement vite. Petit tour aux toilettes publiques et puis, je continue mon petit bonhomme de chemin tranquillement. J’enchaîne Saint-Pair-Sur-Mer, Jullouville, Carolles, Saint-Jean-le-Thomas. Je m’y arrête pour commencer à remettre quelques couches. Il commence à faire frais. Le soleil commence à se coucher tout doucement. Je suis face à la baie du Mont-Saint-Michel. Je connais bien cet endroit, et c’est toujours aussi beau ! Je décide de mettre mes écouteurs et ma musique, ça booste énormément. L’impression que c’est un nouveau départ. Vraiment, je me sens tellement bien. Je suis sur mes prolongateurs, il fait bon, la vue est magnifique, je chante, je me sens encore tellement bien physiquement, franchement what else ?

Je commence à me dire que je vais peut-être rouler toute la nuit. À la base, je m’étais dit que je dormirais vers Genêts, car c’est tout pile le milieu du parcours. Or, je l’atteint vers 21h20, ce qui me semble beaucoup trop tôt pour m’arrêter, d’autant plus que je ne me sens pas fatiguée. Je souhaitais m’arrêter à l’église et une fois arrivée, il y avait des enfants qui étaient juste à côté : je ne pourrais clairement pas être tranquille pour me poser à l’intérieur ou dehors. Et puis, il fait encore jour. Je continue donc ma route. Je passe la pointe du Groin : le plus beau point de vue pour admirer le Mont-Saint-Michel ainsi que Tombelaine.
J’ai la chance, au fur et à mesure, d’avoir le droit à un magnifique coucher de soleil. C’est tellement beau. C’est ça le bonheur en faites : mon vélo, ma musique, un coucher de soleil dans la baie du Mont-Saint-Michel. Dingue. La nuit s’installe petit à petit et finalement, je commence à remettre en question mon envie de rouler toute la nuit. Ce qui est paradoxale : j’ai autant peur de la nuit que j’adore l’ambiance de la nuit. Je ne sais pas si c’est très clair. J’ai aussi peur de ressortir de la nuit en étant fatiguée si je ne m’arrête pas. Au final, je me dis : « Marie, tu traces jusqu’au Mont-Saint-Michel et après, tu trouves un endroit pour te poser ». Autant j’ai déjà vu plusieurs fois le Mont-Saint-Michel de jour, autant de nuit jamais, donc ce sera une première.
J’arrive à Pontaubault, je m’y arrête. J’enfile mes jambières, mes sur-chaussures et ma petite casquette pour ne pas avoir froid à la tête. Je mange une petite barre et puis, c’est reparti. J’arrive au Mont-Saint-Michel vers 23h40. Il faut aller au bout de la passerelle. Bon, le Mont de nuit, c’est pas fou. Tout de même une petite photo pour valider le cinquième pointage. Pour rappel, le Mont-Saint-Michel est normand, pas breton hein.
Demi-tour, maintenant, j’essaie de trouver un petit endroit pour me poser pour la nuit. Mon plan, c’était de dormir idéalement dans une église. Sauf que la nuit, les églises sont fermées…et ça, je dois avouer que je n’y avais pas trop pensé. Je me retrouve donc à m’installer dans le cimetière derrière l’église d’un petit village. Je vais donc dormir dehors. Je sors mon bivy. Je change mon haut, je mets un sous-vêtement de ski mérinos manches longues. Je prends ma veste comme oreiller. Je ne sais pas trop si je vais réussir à dormir. Je vais littéralement dormir à même le sol. Pour quelques heures, ça fera l’affaire. J’ai du mal à trouver le sommeil. Je n’arrive pas à fermer l’oeil car j’ai peur qu’on vienne me voler mon vélo… et puis bon, une nana dehors, toute seule, j’avoue que je ne suis pas méga sereine, même si, je n’aime pas penser de cette manière. J’essaie de chasser ces pensées négatives de ma tête. Je finis par m’endormir. Puis je réveille, j’essaie de me rendormir mais je tourne en rond dans mon bivy. J’ai froid. Avec mes affaires un peu transpirantes sur moi, je n’ai pas vraiment chaud. Parfois, de légères brises de vent viennent accentuer ce froid. Je tourne un peu en rond. Au final, j’ai du dormir 30 minutes sur les trois heures de pause. Je me dis que ça sert à rien que je reste là à essayer de dormir davantage. Il est 3h30, je me lève, range mes affaires, je mange et 15 minutes plus tard, je repars tranquillement. J’ai remis ma musique pour me booster, je me sens bien. J’ai hâte de la suite du périple.

J’arrive à Saint-James, une petite heure plus tard. Je croise des participants sur le trajet qui dorment dans les toilettes et un participant qui m’explique qu’il a dormi dans le hall d’entrée d’un Crédit Agricole. Mais pourquoi je n’ai pas pensé à ça avant ? Au moins, j’aurai été au chaud, abrité du vent et avec des caméras pour surveiller mon vélo. Bon, au moins, j’y penserais pour les prochaines expériences.
Ici commence la seconde partie difficile. L’objectif à ce moment-là, c’est de trouver une boulangerie pour prendre un petit déjeuner. J’arrive tout juste à 6h à Saint-Hilaire-du-Harcouët, sauf qu’aucune boulangerie n’est encore ouverte à cette heure-ci..et je n’ai pas envie d’attendre une demi-heure « inutilement ». Je grignote ce qu’il me reste sur moi et je repars pour Mortain, où j’espère trouver une boulangerie.
Je me rapproche doucement du 400e kilomètre. Après ça, c’est un peu l’inconnu physiquement. Le parcours passe par beaucoup de petites routes de campagne, je ne suis pas fan. Ça monte. Ça monte. Tout est très calme. Je ne croise personne, comme l’impression d’être seule au monde. J’arrive à Mortain à 7h. Je trouve une petite boulangerie. Pas beaucoup de choix, je repars avec trois pains au chocolat et une canette d’Orangina. Petit message à ma maman, il me reste 190 kilomètres. La cascade de Mortain à la sortie est le sixième pointage. Je ne m’y arrête pas car la cascade est de l’autre côté de la route, mais je répondrai à la question dans le petit carnet pour valider le CP. Je trace. Le parcours se retrouve enfin sur de belles routes lisses, mais vallonnées. Le soleil se fait timide. Je suis mode : je ne réfléchis pas et j’avance avec ma musique dans les oreilles.
Les kilomètres passent, je me rapproche doucement de Villedieu-les-Poêles. Je vois les kilomètres se réduire à chaque panneau. Je suis toujours en mode pilote automatique : je pédale, j’avance, je me concentre sur les paysages et ma musique. J’arrive enfin à Villedieu. Je me pose, je mange un pain au chocolat. Je suis au 443e kilomètre. Il fait beau. Je suis bien, autant physiquement que mentalement. Je repars rapidement, direction l’Abbaye d’Hambye, le prochain pointage.
Quelques kilomètres après Villedieu, on se retrouve de nouveau sur des petites routes de campagne. Très vite, j’arrive à l’Abbaye de Hambye. Hop, petite photo. Septième pointage validé. À partir de là, vont s’enchaîner plein de petites côtes qui vont finir par très vite m’agacer. En faites, cette portion entre l’Abbaye d’Hambye et Torigni-sur-Vire, c’est la portion où je vais sérieusement commencer à perdre patience. Pourquoi ? Parce que les petites routes de campagne un peu merdiques vont m’énerver, j’ai l’impression de ne pas avancer, j’ai l’impression d’être proche de Torigni par moment, mais jamais on y arrive. En plus de tout cela, je ne croise aucun participant. Je commence à me demander si je suis bien sur le bon chemin. Cette portion me paraît interminable et c’est là que je commence à sentir que je commence à en avoir marre. Je vois des panneaux Torigni-sur-Vire mais j’ai l’impression que le temps passe et qu’on y est toujours pas.
Lorsque j’arrive enfin à Torigni-sur-Vire, il est midi. Je m’arrête à une boulangerie pour reprendre des forces pour les derniers 100 kilomètres. Normalement, les montées, c’est terminé. Je prends le temps de manger et de boire. Je commence à avoir hâte d’arriver. Mais au-delà de ça, mes jambes vont bien, mon corps va bien et ça, c’est fou ! Je repars, direction l’avant dernier pointage.
Les routes sont de nouveau lisses et beaucoup plus plates, c’est tellement plus agréable pour rouler. Je me remets sur mes prolongateurs et j’avance. Mentalement déjà, ça va mieux. Je me dis que dans quelques heures, c’est bon, c’est terminé. 4-5h c’est rien à côté de ce que j’ai déjà tout fait. Je continue. J’arrive dans la forêt de Balleroy : de longues lignes droites m’attendent. Je suis sur mes prolongateurs, je suis bien, je ne réfléchis pas, j’avance. Même si tout va bien physiquement, musculairement, il y a tout de même quelque chose qui me gêne : je commence à avoir mal à l’entrejambe. Pour l’instant, j’arrive à y faire abstraction. Un peu. Mais très vite, ça va devenir un calvaire à maîtriser.
Au fur et à mesure, je me rapproche de Cerisy-la-forêt. C’est cool car je connais beaucoup moins ce coin. J’y découvre l’Abbaye. Très sympa, très agréable avec le petit étang devant. Je vois qu’il y a des toilettes, j’en profite et puis je prends une photo pour valider l’avant-dernier pointage. Je repars, direction Carentan avant de retrouver la côte est et Utah Beach. Il reste 80km.

Les petites routes de campagne refont leur apparition pour mon plus grand plaisir. J’y découvre tout de même les vallées de l’Elle, affluent de la Vire. Je commence à souffrir sérieusement de mon entrejambe. Pour vous dire, même faire pipi, ça me brûle. La veille au départ, en étant un peu dans le rush, j’ai oublié d’emmener ma crème anti-frottements…je l’ai un peu regretté. Mais bon, ce qui est fait est fait. Maintenant, faut juste que je tienne le coup jusqu’à la fin. On se rapproche des marais de Carentan, le vent commence à être de nouveau de la partie et, j’arrive sur une portion de 2km de gravel. Je sers les fesses, c’est clairement pas le moment d’avoir une crevaison. Durant certains passages, je préfère marcher pour ne prendre aucun risque. Je remonte sur mon vélo. Je me rapproche doucement de Carentan. C’est bon, après ça, c’est la dernière ligne droite. On quitte la ville par le port de plaisance relié à la mer par un canal. De nouveau, quelques chemins, je serre les dents pour ne pas avoir de soucis avec mes pneus, avant de retrouver la route direction Utah Beach. À partir de ce moment-là, je vais devoir lutter contre le vent quasiment jusqu’à la fin du parcours. Ce n’est pas un petit vent. Ça souffle fort et par moment, je n’ose pas me mettre sur les prolongateurs car j’ai peur de tomber à cause de certaines rafales. Entre ça et mon entrejambe qui me brûle, toute cette portion jusqu’à Utah Beach me paraît interminable. Je vois plein de panneaux « Utah Beach » et j’ai l’impression que j’arriverais jamais là-bas. Je force pour lutter contre le vent mais j’avance seulement à 17-18km/h. Qu’est-ce que ça va être long. Ajouté à cela le fait que je n’ai croisé aucun participant depuis le matin, et j’avoue, ça pèse également sur le moral. Ça y est, je commence à re-longer la mer, ce qui veut dire qu’Utah Beach n’est plus très loin. Je regarde de manière beaucoup trop régulièrement, sur mon GPS, le nombre de kilomètres restants. J’ai l’impression de ne pas avancer.
J’arrive enfin à Utah Beach, enfin plus précisément devant le musée. Je prends quelques photos sans prendre le temps de m’arrêter. Je ne veux plus perdre une minute. Dernier pointage validé. Direction Montebourg le plus vite possible. Ma mère m’y attend déjà.
Enfin, je croise deux autres participants. Eux sont sur la fin du parcours 300km, mais qu’est-ce que ça fait du bien de discuter quelques minutes. Je me sens tout de suite moins seul. Mais bon, ils sont bien trop rapides pour moi. Je les suis de loin. Cette longue route le long de la mer me paraît interminable. Bordel, mais quand est-ce qu’on rentre dans les terres là ? Je souffre toujours à l’entrejambe. C’est atroce. Je serre les dents. Je souffle. Je vais y arriver.
Je commence enfin à voir réellement le bout de ce BRM lorsqu’on tourne enfin à gauche pour rentrer dans les terres. Malgré tout, entre ça et l’arrivée, ça reste encore interminable. J’ai l’impression que Montebourg n’était pourtant pas si loin de la mer. Oui, sauf que le parcours faisait un mini détour, évidemment. Allez, c’est la dernière ligne droite. Je ne réfléchis pas, j’avance. Je suis à moins de 10km, puis de 9, puis de 8, puis de 7, puis de 6, puis de 5, 4, 3, 2, je vois le panneau Montebourg. Bordel, j’y suis presque. Dernier kilomètre, je retrouve la grande route par laquelle je suis arrivée en voiture la veille très tôt. C’est bon, à quelques mètres de cette route, je tournerai à droite pour retrouver le stade.
C’est bon, j’y arrive. Au loin, j’aperçois ma maman. Je lui fais de grands gestes pour qu’elle me voit.

C’est bon, je l’ai fait. 600km, le Tour de la Manche. C’est dingue. Une aventure de plus d’accomplie. Je suis sur un petit nuage. Je me rapproche, à pied, du petit buffet d’arrivée. J’en profite également pour valider mon temps auprès de l’organisation et je récupère ma petite médaille bien méritée !
Je sens que mon cerveau a bien fait comprendre à mon corps que c’est définitivement terminé. Je sens un petit coup de barre qui arrive. J’arrive tout de même à discuter avec d’autres participants de d’autres formats de BRM. Petite photo de « finisher » et voilà, l’aventure est déjà derrière moi.

36h17 d’aventure, dont je suis fière !
À NOTER : Seulement 12 femmes parties sur 95 participants !

Merci à toi d’avoir lu jusqu’ici, à très vite !
RDV dans 2 mois pour mon premier BIKINGMAN – 1.000km 18.000 d+ 😀